F. Mauriac et le pays de Gironde : de la réalité à la fiction

F. Mauriac, prix Nobel pour la littérature en 1952, est né à Bordeaux le 10 octobre 1885 et mort à Paris le Ier septembre 1970, a toujours été lié à son lieu d’origine. Il y a dans toute l’œuvre de Mauriac, et surtout dans son œuvre romanesque, une onomastique girondine. Dans Le Romancier et ses personnages, il écrit : « Aucun drame ne peut commencer à vivre dans mon esprit si je ne le situe dans les lieux où j’ai vécu ». Ces lieux où il a vécu, et dont il utilise le souvenir symboliquement, sont les lieux d’avant 20 ans : ce sont Saint-Symphorien dans la lande girondine et Malagar dans le Sauternais. Si Mauriac, dans sa démarche, rappelle parfois Marcel Proust, il n’est pas à la « recherche du temps perdu », mais il découvre un temps gardé et éprouvé comme paysage intérieur : conscience actuelle et conscience passée s’identifient en un être spirituel permanent. Temps et espace sont saisis sans peine dès que les vocables déclenchent cette pénétration dans le passé, mais il serait vain de vouloir étudier la spatialité et la temporalité de ce paysage intérieur sans rendre compte du phénomène de réinsertion de la pensée de l’auteur dans ce paysage. Cela nous éloigne de ce qui pourrait nous faire définir F. Mauriac un écrivain régionaliste. Le « métaphysicien du concret », comme se nommait F. Mauriac, distingue l’identité historique de ses personnages, du champ spatial et temporel du roman qui découvre un monde mythique, recréé par sa mémoire d’artiste. Ainsi, les lieux et les êtres mauriaciens portent le nom de la mémoire de l’écrivain et de l’enfance du poète Au-delà de leurs traces cartographiques, la catharsis poétique les a transfigurés à jamais.

Pierluigi Pinelli